La Loi basse variabilité : nouveau mode de rémunération médicale


La basse variabilité est un mode de rémunération de type capitation par épisode de soins. L’état envoie une somme fixe de rémunération médicale et partiellement paramédicale (accoucheuse et kiné actuellement) par hospitalisation.
Pour comprendre jusqu’ou peut aller un système de paiement forfaitaire, voyez ce reportage de France2 : https://www.francetvinfo.fr/sante/hopital/budget-de-l-hopital-une-reforme-a-la-suedoise_3166973.html
Et pour en savoir plus sur les différents modes de rémunération médicale, voyez mon autre article https://drphilbe.blogspot.com/2019/01/modes-de-remuneration-medicale.html

Comment a-t-on sélectionné les séjours concernés ?

L’inami a commencé par sélectionner des pathologies pour lesquelles les dépenses en honoraires présentaient peu de variabilité, à la fois entre hopitaux et à la fois entre séjours dans un même hopital.
Ils en ont déduit que ces pathologies étaient probablement traitées de la même manière partout et qu’il existait un trajet de soins standardisé reconnus par tous. Ce sont donc des soins peu variables. La ministre les appelle donc « soins à basse variabilité ».
Ce sont principalement des séjours à caractère chirurgical et de patient faisant peu de complications.
Ils ont fait vérifier cette hypothèse par un groupe d’experts médicaux qui a supprimé un certain nombre de pathologies de la liste pour ne plus en garder que les séjours liés à l’acte chirurgical suivant :
-          Mise en place de drains transtympanique sous anesthésie générale
-          Thyroïdectomie partielle ou totale
-          Accouchement
-          Césarienne
-          Cure de grossesse ectopique
-          Hysterectomie totale
-          Libération du canal carpien
-          Mise en place (non traumatique) d’une prothèse totale de hanche
-          Mise en place (non traumatique) d’une prothèse totale de genou
-          Urétrotomie
-          Endoscopie urinaire
-          TURP
-          Prostatectomie radicale
-          Résection de tumeur vésicale
-          Orchidopexie et d’autres chirurgies des organes génitaux
-          Circoncision
-          Appendicectomie
-          Cure de hernie inguinale ou fémorale ou ombilicale
-          Cholécystectomie
-          Chirurgie de l’obésité

Ces séjours ont ensuite été pour certains séparés en deux ou trois catégories en fonction de facteurs annexes pouvant influencer l’homogénéité du groupe. Citons par exemple le fait d’avoir ou non une péridurale pour un accouchement, d’être hospitalisé en hopital de jour, de subir une cholangiographie, …
Au total, avec ces catégories ajoutées, on arrive à 57 forfaits différents.
Signalons que, sur base théorique, 80% des séjours hospitaliers en médecine ou chirurgie pourraient rentrer dans un forfait. Les textes de loi ont été rédigés de manière à pouvoir aisément ajouter chaque année des types de séjours supplémentaires. Ceci n’est donc qu’un début qui concerne déjà environ 10% des honoraires médicaux globaux mais qui peut monter jusque plus de 50% dans certaines spécialités médicales.
Pour rappel, le séjour n’est faiblement variable que pour les patients de faible à moyenne sévérité. Dès que le patient présente des complications significatives ou s’il est porteur de morbidités sévères, il sort du forfait.

Comment l’état sait que le patient a fait de graves complications ?


Grâce à ce que les médecins écrivent dans le dossier. Dans l’hôpital, des infirmières (équipe RCM) lisent vos mots et les transforment en « codes ». Ces codes permettent ensuite de regrouper les patients par strate de sévérité.
Donc pour savoir si un patient va être dans le forfait ou pas, il faudra que vous ayez facturé vos actes, que vous ayez bien écrit tout ce qui est arrivé au patient dans le dossier, que le patient soit sorti, que vous ayez clôturé sa lettre de sortie et que l’équipe RCM ait transformé vos écrits en code.
Ce n’est qu’après ces étapes que la facture peut enfin être établie.
Il faudra donc avoir une vigilance toute particulière à rédiger rapidement un courrier de sortie et à ce que l’équipe RCM code ce dossier en priorité. Sans quoi vous et l’ensemble de vos confrères des autres spécialités seront rapidement inquiets.
Est-ce que toutes les complications font sortir du forfait ?
 Non. C’est un algorithme informatique commercialisé par une firme américaine (3M) qui définit le niveau de sévérité du patient. Grosso modo, ce logiciel dévalue fortement les morbidités et les complications liés à l’acte principal. Ainsi une hémorragie du site opératoire ne fera pas monter le niveau. L’équipe RCM de votre hopital pourra vous expliquer en détail ces phénomènes.

Comment est calculé le montant global d’honoraires forfaitarisé ?


L’INAMI a recherché tout acte qui s’est produit durant l’année 2017 au cours d’un séjour dont le diagnostic principal fait partie d’une catégorie sélectionnée en basse variabilité (par exemple toutes les césariennes du pays en 2017).
Elle a donc établi une liste totale d’actes qu’elle a ensuite rapporté au nombre de séjour sur une année. Elle en a extrait la médiane de financement. Cette médiane a ensuite été corrigée par un facteur correctif afin de ne pas réduire le budget des honoraires médicaux au sein du budget de soins de santé.
Pour l’ensemble des 57 catégories, on en arrive dès lors à 24 918 actes enregistrés.
Dès lors, les actes prestés en 2019 créeront le calcul du montant par séjour de 2021. C’est une des deux raisons pour lesquelles il sera nécessaire d’encore tarifier les actes qui sont prestés dans le forfait (la deuxième raison est les suppléments d’honoraires qui seront discutés plus bas).
Le calcul de la médiane + le facteur correctif « X » a donc été réalisé pour chaque ligne d’acte afin d’en extraire une valeur en €. Cette valeur a ensuite été indexée. Evidemment si un acte n’a été presté qu’une seule fois sur un seul patient au cours de l’année de référence, sa valeur médiane n’a aucune chance de dépasser le cent. C’est le cas d’une vaste partie des 24 918 actes.  Ainsi, 92% des actes ne dépassent pas 1€, 75% sont sous les 10 cents et 39% sont sous le cent. Toutes ces valeurs et tous ces actes vont donc changer chaque année.

 

Et en théorie, Comment calcule-t-on idéalement un forfait ?


En toute logique, un forfait doit etre calculé en additionnant différents couts :
-          Un cout de production : qui correspond aux actes qu’il est unanimement convenu de faire. Les difficultés sont qu’il n’est pas toujours aisé d’être unanime quant aux actes à faire, qu’un cout peut être plus élevé dans un petit hopital qui ne dispose pas de tout le plateau technique et qui n’a pas le volume suffisant pour arriver aux couts marginaux.
-          Une marge de risque : qui correspond à la couverture de complications modérément grave : suffisamment pour avoir un cout mais insuffisante pour faire monter le niveau de sévérité. Cette marge est évidemment difficile à définir
-          Une marge de recherche, innovation et développement. Cette marge est évidemment difficile à définir.
L’inami est parti du principe que lorsqu’un séjour est à faible variabilité, cela signifie que les actes réalisés sont parfaitement représentatifs des couts de production additionnés à la marge de risque, en considérant que les médecins n’iraient pas réaliser des actes inutiles dans ces groupes. Les actes annexes qui paraissent incompréhensibles par rapport à l’acte principal (comme par exemple une colonoscopie pour un séjour de drains trans-tympanique) sont considérés comme la marge de risque. D’où son idée de reprendre l’ensemble des 24 900 actes sans en faire de tri.

Comment devrait être réparti le forfait ?


A grand coup de négociations interminables, l’ABSYM a pu faire sortir certains actes du forfait. Ces actes d’exception sont inscrits dans l’arrêté royal (art 2 de l’AR du 2/12/2018) qui se retrouve sur la page de l’inami. Ce sont principalement des actes qui pourraient mettre le patient en danger s’ils étaient négligés ainsi que des actes déjà forfaitarisés.
Lorsqu’arrive un séjour forfaitarisé, vous pouvez vous trouvez dans maximum 5 cas de figure de facturation de vos actes :
-          A. Votre acte presté correspond à un acte repris dans la liste des actes historiques (acte historique presté)
-          B. Votre acte presté n’est pas dans la liste historique (acte presté non repris)
-          C. Vous n’avez pas presté d’acte mais certains actes habituellement fait par votre spécialité sont dans la liste historique
-          D. Un acte n’a pas été presté mais est dans la liste. Par ailleurs, cet acte n’est pas « prestable » dans la clinique (par exemple coronarographie alors que cela ne se fait pas dans la clinique)
-          E. votre acte se trouve dans la liste des actes d’exception que l’on peut encore tarifier en dehors du forfait.

Que dit la loi ?

Dans la loi du 19/07/2018, l’art 7 dit « Les honoraires compris dans le montant global prospectif sont attribués aux médecins et aux autres dispensateurs de soins conformément à la répartition communiquée par l'INAMI et sans préjudice de l'article 144 de la loi coordonnée du 10 juillet 2008. ».
L’INAMI a donc mis sur son site internet un fichier excel appelé clé de répartition. Ce fichier excel est en fait la liste des 24 900 actes. Ainsi :
-          Si vous avez presté un acte en A, l’honoraire est votre propriété exclusive. Il vous est versé (ou à votre pool si vous avez opté pour être en pool) à la valeur reprise dans le forfait (pour rappel dans 90% sous l’euro). Pour l’obtenir, vous devez le tarifier. Si vous ne tarifiez pas, vous ne les toucherez pas et si aucun médecin belge ne les tarifie, ils disparaitront du calcul du forfait dans deux ans.
-          Si vous êtes en B, pas de chance, même en tarifiant, vous toucherez 0€.
-          Vous n’avez rien fait mais des actes de votre spécialité sont dans la liste. Deux cas de figure ici :
·         Soit l’acte en question est réservé par la nomenclature à une spécialité (par exemple, la nomenclature impose d’être spécialiste en radiodiagnostic pour pouvoir tarifier un scanner), il doit alors être versé au service de la spécialité concernée
·         Soit l’acte est dans une nomenclature ouverte à plusieurs spécialités (acte multi-spécialité) : ici la loi et la circulaire attenante est moins claire. L’interprétation de l’INAMI, l’ABSYM et le GBS font est que les honoraires liés à ces lignes reviennent à la spécialité qui les preste habituellement dans votre hôpital.
En clair, il s’agit d’analyser la tarification historique de votre hôpital et d’attribuer à chacune des 24900 lignes un service médical (ou deux avec une clé de répartition pour certains actes).
Dans les deux cas, le service devra ensuite, par l’intermédiaire d’une convention interne au service, décider de la répartition entre ses membres de ces honoraires.
-          Si il existe des actes non attribuables tel qu’en D, ils vont dans un compte d’attente. Le conseil médical peut ensuite affecter ce compte à ce qu’il entend (gardes, fond de solidarité, répartition entre tous les médecins, …)

-          Enfin, certains actes sont hors forfaits. Il s’agit principalement d’avis et de visites ou encore de forfaits déjà existants comme déjà mentionné.

Comment risque d’être réparti le forfait ?


A ce jour, les fédérations hospitalières n’ont pas été en mesure de se mettre d’accord sur une méthode commune.
Les 3 firmes informatiques qui dominent le marché de la facturation hospitalière ont dès lors été confronté à des dizaines de demandes de partages différents.
Les 3 firmes ont donc bloqué et exigé que ces clients choisissent parmi un nombre restreint d’option qu’ils ont proposé.
A titre d’exemple, de ce que 3 gestionnaires m’ont dit, IBM exige le choix d’une des 3 options suivantes :
-          option 1. L’attribution automatique de chaque ligne d’acte vers une spécialité / un service. Dans ce cas de figure, il n’est totalement pas tenu compte du fait que l’acte soit presté ou pas. Tous les actes sont considérés comme s’ils étaient en en C ou D.
-          Option 2. Le transfert vers un pot général de l’ensemble du forfait.
-          Option 3. Chaque acte est payé au prestataire qui l’a réalisé à la valeur hors forfait. Un décompte de ce que chaque forfait induit comme financement est tenu en parallèle au paiement. Une régularisation semestrielle retire ou augmente ce qui a été payé en fonction du rapport entre somme des actes payés par rapport à l’enveloppe de forfait. Cette 3° option a récemment été validée par l’INAMI comme option supplémentaire à la proposition de départ ( voir https://www.absym-bvas.be/downloads/yrogws/190215_CP%20Répartition%20honoraires%20SBV.pdf )

Effet de chacune des 3 options :


L’option 1, C’est la capitation pure et dure avec tous ses biais (cf https://drphilbe.blogspot.com/2019/01/modes-de-remuneration-medicale.html ).
Elle implique annuellement de se pencher sur chaque ligne de code, particulièrement les actes multi-spécialités. Et il y aura des questions :
-          À quel service donner une tumorectomie du sein ? Les gynécologues ou les chirurgiens abdominaux ? Une des techniques est d’utiliser l’historique de la tarification locale de votre hopital (répartir les actes de 2019 sur base de la répartition de ceux qui les ont faits en 2018). Mais quel historique ? Celui de l’activité d’une année sur tout l’hopital ? de l’activité d’une année sur les séjours des 57 catégories ? celui de l’activité de la catégorie ?
-          à quel service donner la colonoscopie d’un enfant de 16 ans : au gastro-pédiatre ou au gastro-entérologue ? Faudra-t-il donc aussi scinder chaque ligne selon que le patient est adulte ou enfant ?
-          Doit-on procéder à la même répartition pour les suppléments de nuit qui sont aussi inclus ? Et aux suppléments d’accréditation également inclus ?
L’autre difficulté est la gestion des prestataires qui ne fonctionne pas en pool d’honoraire. L’argent arrive au service, ok. Et ensuite ? Comment est-il distribué entre prestataires s’ils ne font pas un pool total ? Qui le distribue ? L’hopital ou le service ? Si le service n’est pas constitué en personne morale (société), l’hopital n’acceptera jamais de virer le solde vu le risque vis-à-vis des impôts (cf https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/l-isi-traque-la-mauvaise-declaration-d-honoraires-medicaux/article-normal-30391.html ). Il faut donc réfléchir à un mode de répartition des honoraires au sein du pool. Ici de nombreuses variables peuvent être incluses : l’ancienneté (modèle du salariat), les actes réellement prestés (mais comment alors les retrouver ?), la participation (et son volume) au rôle de garde, la participation aux avis de salle, les surspécialisations et formations complémentaires, l’accréditation individuelle, l’arbitraire, le népotisme, …
Ainsi dans ce modèle un médecin ayant presté un acte repris dans la liste (cas de figure A du chapitre précédent) pourrait finalement ne rien toucher du tout. Les risques de recours en justice sont dès lors grands.

L’option 2 est un grand pot qui ne fait que repousser le problème du partage hors du prestataire informatique qui s’en lave les mains. A charge ensuite des médecins de définir la répartition. Je dis bien à charge des médecins car étant donné que c’est de l’honoraire, c’est la propriété des médecins et ce sont donc bien eux seuls qui décident de la répartition comme le rappelle d’ailleurs la circulaire envoyée aux hopitaux qui l’avaient un peu vite oublié (certains avaient déjà commencé des réunions sans médecins).
On peut ici appliquer le modèle légal tel que l’absym et d’autres l’interprète. Ce modèle légal est plus juste d’une part et est mixte ce qui devrait permettre de lisser les biais. Il maintient un système de capitation mais garantit à certains prestataires d’obtenir leur dû quel que soit le comportement sur-consommateur de leurs confrères.
Comme l’informatique s’en est lavé les mains, c’est à nous de procéder à la main à la répartition de quelques centaines de lignes pour chaque patient inclus... Dans les faits, ce sont les médecins qui décident de la répartition mais c’est celui qui a choisi de prendre en charge la « perception centrale » qui doit l’exécuter. Et dans beaucoup d’hopitaux, ce ne sont pas les médecins mais bien la direction financière de l’hopital. Cette répartition non automatique prend du temps et donc a un cout. Peu de directions financières acceptent de le faire. C’est pourtant l’unique solution compatible avec ce qui semble être légal.
Car en effet, l’option 3 ne permet pas la légalité non plus : les médecins légalement payés par le forfait sans rien avoir presté ne le seront plus. Ils pourront alors introduire un recours aussi.
Cette option 3 plaira aux médecins attachés à la rémunération exclusive à l’acte. Mais attention, ce n’est pas un « vrai » système à l’acte puisqu’il est enfermé dans un forfait : on passe alors à un système à l’acte mais à point flottant. Ce système à point flottant a été universellement décrit comme le pire possible (cf https://drphilbe.blogspot.com/2019/01/modes-de-remuneration-medicale.html ) car il accentue encore plus la surconsommation que le système à l’acte en raison de la l’incertitude de la dévaluation du point. Dans ce système aussi, lorsque le médecin fait appel à un confrère, il risque de voir sa rémunération chuter : c’est loin d’encourager le travail d’équipe multidisciplinaire…
Le seul avantage de ce système est qu’il est fixe pour plusieurs années et qu’il n’impose pas d’aller revoir les 24 900 actes chaque année pour les re-répartir. C’est donc un système qui plait au comptable mais qui déplait au médecin et surtout qui peut nuire gravement au patient par les comportements qu’ils induiront si vos médecins ont la même probité que ceux suivis dans la littérature internationale.
Un amendement de cette option pourrait cependant être une solution équilibrée. L’idée serait ici que la régularisation semestrielle ne soit pas proportionnelle mais déséquilibrée par différents facteurs. On pourrait ainsi garantir à certains d’obtenir 100% de leurs honoraires (çàd identique au sein et en dehors du forfait) selon des critères pré-définis par le conseil médical ou mieux l’assemblée générale des médecins. Un critère qui pourrait être angulaire serait le fait que l’acte fait partie d’un trajet de soin pour la pathologie. Les acteurs médicaux de l’hopital devraient bien sûr au préalable définir des trajets idéaux. Les actes du parcours seraient immunisés du risque. Les perdants du système seraient ceux qui sur-prestent. Les gagnants seraient ceux qui appliquent une médecine raisonnable et raisonnée et dès lors aussi le patient.
On peut bien sûr ajouter d’autres critères comme l’immunisation du supplément d’urgence, l’immunisation de rémunération de service déjà en difficulté financière, … Mais plus vous en ajouterez, plus ce sera complexe et plus vous aurez de gens devant vous pour vous empêcher de le mettre en place, en ce inclus la direction financière. A moins que poussé par un consensus interhospitalier ou une nouvelle circulaire ou par le risque qu’il participe à faire subir aux patients, le prestataire informatique ne revienne vous aider à mettre ce modèle en place (mais peut-être que je rêve en croyant qu’un fournisseur à but lucratif a une âme ?).

Et quid des suppléments ?


Même au sein d’un séjour forfaitarisé, les suppléments sont tarifiables sur base des valeurs de la nomenclature « classique » hors forfait. Il faut donc ici aussi continuer à tarifier ses actes.
La seule ajoute est l’introduction d’un plafond pour la facture totale : si l’ensemble des médecins ont tarifiés des suppléments et que la somme des valeurs de la nomenclature classique dépasse de plus de 115% la valeur du forfait, alors l’ensemble des forfaits sera limité car le dépassement de ce plafond est interdit. (Notez que ce 115% sera ramené à 100% en 2020).

Je prends un exemple fictif :
-          Prenons un hopital qui a décidé de plafonner les suppléments à 200%.
-          Imaginons que le forfait pour un séjour césarienne est une somme totale de 1000 Euro.
-          Le plafond légal de suppléments est alors de 200% x 115% x 1000€ = 2300€.
-          Tout le monde tarifie ses actes dans le forfait.
-          Les actes en soi sont alors payé selon la formule choisie par votre hopital (cf tout l’article avant ce chapitre).
-          En revanche, le médecin demande à titre personnel son supplément sur base de la nomenclature hors forfait. Dans l’exemple, si l’anesthésie pour la césarienne vaut 100€ hors forfait, l’anesthésiste peut demander 100€ x 200% = 200€.
-          Si de très nombreux actes ont été réalisés et que tout le monde demande un supplément au plafond, il est possible que la somme des suppléments demandé par chacun dépasse le plafond de légal qui est dans notre exemple de 2300€.
-          Il faudra alors trancher.
Il faudra définir dans la réglementation générale qui va être amputé d’une partie de son supplément. 
Ici aussi, les fournisseurs informatiques ne proposent qu’une solution automatisée : faire réduire l’ensemble des prestataires à la proportionnelle lorsque ce cas de figure se présentera.
Pourtant d’autres séparation étaient possibles :
-          Protéger le porteur d’affaire : le médecin qui a demandé l’hospitalisation est généralement aussi celui qui convainc le patient d’opter pour une chambre seule. Ce travail de porteur d’affaire pourrait mériter une immunisation de son supplément. Par ailleurs, bien souvent, c’est le seul médecin que le patient a réellement choisi. Le patient lui-même pourrait trouver normal que ce qu’il paie en supplément ait prioritairement pour lui. La boite informatique décide donc à la place du patient. Merci la boite.
-          Protéger les actes issus d’un trajet de soins. Même logique que supra : pourquoi un médecin qui fait ce qu’il est recommandé de faire devrait voir sa rémunération amputée à cause d’un collègue qui réalise des actes discutables ?
-          Et que sais-je encore…
Il est dommage donc ici aussi de se voir imposer le partage par des boites informatiques alors que d’autres modes de division pourraient s’avérer suivre une meilleure logique ou mieux respecter les souhaits du patient.

Conclusions


Pour toutes ces raisons exposées, les conseils médicaux des cent hopitaux belges sont en grande difficultés : s’ils écoutent les boites informatiques, ils doivent choisir entre la peste et le choléra. S’ils veulent faire leur propre popotte, on leur annonce que c’est soit impossible, soit impayable.
Jusqu’à aujourd’hui, je pensais qu’un ministre servait à résoudre les problèmes.
Sur ce dossier, en n’allant pas au bout des choses, en n’écrivant pas des circulaires et loi claires, elle a donné la main au trust qui dirige la facturation : les sociétés informatiques. Des règles plus engagées auraient fait plier les trusts.
Par ailleurs, elle a entrainé un rejet massif de la profession vis-à-vis de la capitation alors qu’un modèle mixte incluant la capitation a du sens lorsqu’il est bien construit (cf https://drphilbe.blogspot.com/2019/01/modes-de-remuneration-medicale.html ).
Cette réforme devait être inclue dans d’autres réformes pour apparaitre cohérente : détricotage du BMF, financement à la capitation de l’hopital et du nursing, révision de la programmation, … Par manque de force de persuasion de ses collègues politiques (qui ont également une responsabilité donc), la ministre a échoué sur quasi l’ensemble des autres réformes et on n’a plus qu’un amas de crème fraiche là où on devrait avoir une belle pièce montée. A titre personnel, je suis très déçu car sa note de politique générale, si elle avait été suivie d’actions, aurait été la réforme la plus courageuse, la plus utile et permettant la plus grande avancée pour les patients de ces 40 dernières années.
Au lieu de cela, dans les maigres dossiers qui avançaient (grâce à l’ABSYM, en mutation, désormais demandeuse de réforme), on a confondu vitesse et précipitation, on a bâclé les étapes du change management. Résultat, on a ouvert une large brèche conflictuelle entre médecins, hopitaux et informatique. Dommage, nous avions bien d’autres choses plus utiles à faire…

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